Nous passons notre temps à attendre la fin du monde. Qu'elle se manifeste sous la forme d’une comète, d’une épidémie, d'une guerre civile ou tout autre chose, nous avons tous et toutes notre petite fin du monde personnelle, comme un gouffre, nous attirant par la crainte et la fascination qu’elle nous inspire. Creusant inlassablement son sillon en l'arrière de nos caboches, nous arrivons parfois à faire semblant qu'elle est trop lointaine pour être vraie, que tout va bien, et nous continuons vaillamment nos chers rituels qui peu à peu s'étiolent. Mais elle revient, toujours. Elle est là, tapie, grandiose et nous, misérables.

Résumé
Dans un petit réduit, sorte d’abri fait de papier kraft huilé, de draps suspendus et de mobilier aux mécanismes étranges, un homme attend la fin du monde. Seul depuis trop longtemps et tentant de rester à fleur d’humanité, son langage s’effrite, sa mémoire s’effondre, et il ne sait plus bien comment être à lui-même un ami.
Dans cette cabane qui petit à petit s’ensevelit, lui tient bon, et continue vaille que vaille son cortège de petites habitudes ineptes, de petites manières grandioses, de gros comptes à rendre et d’entorses petitement coupables.
Si tout doit s’effondrer, tout ça n’aura pas servi à rien, c’est Crampe qui vous le dit.
Un spectacle drôle et effrayant sur l’attente d’un monde qui n’en finit plus de mourir, la joie de créer, et nos petites folies. Un spectacle tout public à 360° pour lieux de fin du monde, intérieur comme extérieur. Un spectacle à musique très concrète, marionnettes live, et ombres portées.
––>Télécharger le dossier
Intention de mise en scène
à l’heure où les incendies se propagent et les tempêtes se multiplient, où l’angoisse monte et le scepticisme tue, nous souhaitons chercher, à travers l’expérimentation du dernier jour supposé d’un être, visiblement seul depuis longtemps et tâchant de se maintenir à fleur d’humanité, comment la routine peut faire œuvre poétique. Ultimes remparts face au désœuvrement, au désemparement et à l’inhumain, nous explorerons ce que la poésie, la musique, la science (et la marionnette !) nous offrent encore de soutiens comme d’abîmes, et comment l’infiniment banal devient geste créateur.
Dans un monde que l’on suppose dévasté et s’approchant toujours plus de l’implosion, un décor d’intérieur en voie d’extinction. Entre la tente de bord d’autoroute attendant l’ultime délogement, la salle des machines aux mécanismes incompréhensibles, et le bateau où tout tient une place extrêmement précise se déploie le quotidien avant la fin des fins, le Grand Méchant Gouffre : le bois des meubles est creusé de sillons, les tentures oscillent dans l’ombre, et une atmosphère de vacarme imminent empli les lieux. L’espace restreint et mouvant oblige à d’infinies contorsions, donnant à voir une chorégraphie du geste habituel – répétition menée à l’absurde – face au chaos. Sacre du fonctionnel, reliquats d’us et coutumes déjà obsolètes, rituels inutiles brisés par ce qui fait la vie : l’inattendu.
Par un travail sur la torsion du langage solitaire, marginalisé, nous souhaitons questionner notre rapport à la langue, cet organe si particulier. Comment elle peut, par un trop plein de solitude et d’étrangeté, nous échapper pour s’envoler vers un babil, à la frontière du gromlo et de la poésie. Nous pensons ici bien évidemment à la langue de Valère Novarina, ou de Christophe Tarkos, lui qui parlait de “pâte-mot ”, et dont les textes s’enfoncent aux tréfonds du sens et du son.
Par la répétition du geste banal trop souvent effectué qui se mue en danse, de la mémoire qui fuit et du rapport à la société perdue, l’histoire de ce physicien fou – espèce en voie de disparition – et de son manipulant, parle de toutes les histoires, comme toutes les histoires, de la peur de n’être plus. Mais nous en parlerons ici avec amour. Et afin de développer une intimité à fleur de peur et d’amour entre manipulants, personnage et spectateurs, ce spectacle sera pensé pour petites jauges (100 spect. max.), en lieux intimistes à bonne accoustique. Nous souhaitons pour cela explorer au cours des différentes résidences de création toutes les possibilités que peuvent offrir l’In-Situ (que raconterait ce spectacle, joué en forêt ? Dans une cour d’immeuble ? En théâtre ?). Tous lieux de fins du monde.
Une réflexion sur les structures internes qui nous façonnent, leurs limites, leur potentiels créateurs et subversifs.
à la croisée des univers de Volodine (Des Anges Mineurs), Beckett (Fin de Partie), Svankmajer ou encore les Frères Quay, nous souhaitons développer une réflexion sur ce qui nous tient, malgré tout, en état d’éveil, d’amour, d’humour et de curiosité.
Techniques Utilisées
Pour écrire la trace du ballet de la vie indéfiniment réitérée – au-delà du travail scénographique auquel nous donnons une importance première, dans une esthétique générale alliant steam punk post-apocalyptique effronté et tentatives ratées de design feng-shui contemporain – nous ferons appel aux techniques de théâtre d’objet, nous jouant par exemple des codes de l’addiction aux jeux d’argent, de
nos rapports aux écrans, ou la collection sentimentale et frénétique de résidus bizarroïdes de notre époque portés au rang d’idoles.
Nous nous inspirerons également du théâtre d’ombre indonésien, le Wayang Kulit, pour donner à Crampe une vie onirique. Mais ce dernier sera incarné par une marionnette portée, par un.e ou deux manipulant.es, selon ses états d’esprits (les manipulant.es étant à vue, leur présence sera significatrice et le lien avec la marionnette, symbolique).
Le travail d’observation et d’expérimentation scientifique sur le déclin auquel il s’adonne se fera sur les machines optiques d’Olivier Vallet. Marionnettes d’ombres et de lumières, fabriquées à partir de techniques exclusivement low-techs, ces dernières répondent entièrement aux injonctions d’un monde où l’ensemble de nos tehnologies actuelles s’est effondré.
Enfin, le travail de la bande sonore se fera exclusivement de manière intra- diégétique (intégrée à la trame narrative), en direct, grâce à des objets sonores dessinés par Benjamin Colin, afin de créer le monde sonore et musical de Crampe, un monde très étrange, très sensible, très proche.
Les Résidences prévues | Les lieux | |
---|---|---|
du 6 au 15 octobre 2025 | Théâtre de Monthermé, 08800 |
Ecriture et construction |
Novembre/décembre 2025 | Recyclerie de La Volte |
Ecriture et construction |
Du 2 au 14 mars 2026 | Château de l'Hopitau, 44240 La Chapelle-sur-Erdre |
Construction et essais au plateau |